Mesdames,
Une proposition à penser à ce que provoque cette phrase, en écriture, en photo, en dessin, en vidéo, en enregistrement vocal, en danse, en poterie, en musique... en ce que vous voulez, en ce qui vous chante.
Vous pouvez choisir de signer (l'occasion de s'inventer un nom de scène !), ou de rester anonyme.
Précisez-le quoi.

mardi 19 novembre 2019

Extrait d'une lettre du 19.05.2019 - Fiesta de la Vida

[…] Vous le savez, j'ai eu à vivre, il y a maintenant quelques temps les moments les plus durs de ma vie. 15 mois de mélancolie, 15 si longs mois, 15 trop longs mois. La « mélancolie », ça sonne plus poétique que la « dépression », mais c'est pire. C'est le fauteuil roulant du malade psychique. Tu es cloué, ton système cognitif ne répond plus, tu ne le maîtrises plus : perte d'élan, ralentissement de la pensée, des idées et des émotions. Les idées noires t'envahissent et te hantent, sans arrêt. Tu penses avoir tout raté. Tu es ko. Tu souffres, terriblement. Tu as juste envie de crever.

Cette fois-ci, je ne pensais vraiment pas parvenir à passer ce mur qui s'était à nouveau érigé devant moi. Oui, ça m'était déjà arrivé des périodes mélancoliques, et j'y étais arrivée, à me relever. Mais là, c'était si long, je n'y croyais vraiment plus ! Et pourtant en un beau mois de mai de l'an dernier, j'ai enfin transpercé ce sombre nuage (un peu trop vite, d'ailleurs, mais bon, au moins, c'était fait! ). La chimie m'a aidé, c'est sûr. Mais aussi, c'est vous, vous mes cher-ères, vous toutes et tous. Vos attentions, votre présence, votre aide, votre amour, vos pensées : autant de petites bouées lancées, dans la tempête de haute-mer que je traversais, qui m'ont tant aidé à ne pas me noyer, qui m'ont porté.

Bien sûr et avant tout, je remercie mes parents et mon frère, qui ont été là tout le temps, inlassablement. A mon chevet, qui m'ont extrait de mon lit quand je n'arrivais plus à le quitter, qui m'ont fait à manger, quand je n'en n'étais plus capable, qui m'ont constamment accompagné alors que la maladie me rongeait. Merci à eux. Et Merci à vous tous aussi, pour tout : tous vos gestes, toutes vos attentions, toutes vos pensées d'espoir et de lumière, pour ce que vous êtes, d'être dans ma vie.

Je trouve souvent très injuste que la maladie psychique, soit entrée dans ma vie, depuis 15 ans aujourd'hui, que ma vie soit devenue un ring. Cette maladie te broie, elle te propulse brutalement dans un champ de ruines et tout aussi brusquement dans une folle échappée du réel où tu délires complet : tu te prends pour une héroïne traquée et persécutée, tu interprètes, tu penses à toute allure et trop vite, les idées de grandeur t'envahissent, tu fais des liens qui te semblent tout à fait logique et pourtant ils n'en n'ont aucune, tout est désorganisé, tu voudrais que tout ce que tu penses dans ces moments là ait du sens, et pourtant ça n'en n'a aucun. Tu te retrouves dans un rôle et dans un monde qui ne sont plus la réalité ! Tu finis contentionnée, internée et sédatée.

Oui je trouve cela injuste, mais dans le même temps, je me rends compte aujourd'hui que grâce à cette maladie, j'ai pris des chemins de traverses, vu et ressenti des choses inédites, parcouru les plus extrêmes limites de mon être. Elle m'a rendu, à chaque épreuve qu'elle m'a fait traverser, plus forte.

Bref, pour tout çà, pour vous remercier de m'entourer si chaleureusement, pour avoir été brillants et vivants dans la pénombre que je traversais, pour tout simplement célébrer et être ensemble, je vous invite à La Fiesta de la Vida.

Gaëlle Fayan