[…] Vous le savez, j'ai eu à vivre, il y a maintenant quelques
temps les moments les plus durs de ma vie. 15 mois de mélancolie, 15
si longs mois, 15 trop longs mois. La « mélancolie », ça sonne
plus poétique que la « dépression », mais c'est pire. C'est le
fauteuil roulant du malade psychique. Tu es cloué, ton système
cognitif ne répond plus, tu ne le maîtrises plus : perte d'élan,
ralentissement de la pensée, des idées et des émotions. Les idées
noires t'envahissent et te hantent, sans arrêt. Tu penses avoir tout
raté. Tu es ko. Tu souffres, terriblement. Tu as juste envie de
crever.
Cette fois-ci, je ne
pensais vraiment pas parvenir à passer ce mur qui s'était à
nouveau érigé devant moi. Oui, ça m'était déjà arrivé des
périodes mélancoliques, et j'y étais arrivée, à me relever. Mais
là, c'était si long, je n'y croyais vraiment plus ! Et pourtant en
un beau mois de mai de l'an dernier, j'ai enfin transpercé ce sombre
nuage (un peu trop vite, d'ailleurs, mais bon, au moins, c'était
fait! ). La chimie m'a aidé, c'est sûr. Mais aussi, c'est vous, vous
mes cher-ères, vous toutes et tous. Vos attentions, votre présence,
votre aide, votre amour, vos pensées : autant de petites bouées
lancées, dans la tempête de haute-mer que je traversais, qui m'ont
tant aidé à ne pas me noyer, qui m'ont porté.
Bien sûr et avant tout,
je remercie mes parents et mon frère, qui ont été là tout le
temps, inlassablement. A mon chevet, qui m'ont extrait de mon lit
quand je n'arrivais plus à le quitter, qui m'ont fait à manger,
quand je n'en n'étais plus capable, qui m'ont constamment accompagné
alors que la maladie me rongeait. Merci à eux. Et Merci à vous tous
aussi, pour tout : tous vos gestes, toutes vos attentions, toutes vos
pensées d'espoir et de lumière, pour ce que vous êtes, d'être
dans ma vie.
Je trouve souvent très
injuste que la maladie psychique, soit entrée dans ma vie, depuis 15
ans aujourd'hui, que ma vie soit devenue un ring. Cette maladie te
broie, elle te propulse brutalement dans un champ de ruines et tout
aussi brusquement dans une folle échappée du réel où tu délires
complet : tu te prends pour une héroïne traquée et persécutée,
tu interprètes, tu penses à toute allure et trop vite, les idées
de grandeur t'envahissent, tu fais des liens qui te semblent tout à
fait logique et pourtant ils n'en n'ont aucune, tout est désorganisé,
tu voudrais que tout ce que tu penses dans ces moments là ait du
sens, et pourtant ça n'en n'a aucun. Tu te retrouves dans un rôle
et dans un monde qui ne sont plus la réalité ! Tu finis
contentionnée, internée et sédatée.
Oui je trouve cela
injuste, mais dans le même temps, je me rends compte aujourd'hui que
grâce à cette maladie, j'ai pris des chemins de traverses, vu et
ressenti des choses inédites, parcouru les plus extrêmes limites de
mon être. Elle m'a rendu, à chaque épreuve qu'elle m'a fait
traverser, plus forte.
Bref, pour tout çà,
pour vous remercier de m'entourer si chaleureusement, pour avoir été
brillants et vivants dans la pénombre que je traversais, pour tout
simplement célébrer et être ensemble, je vous invite à La Fiesta
de la Vida.
Gaëlle Fayan