Mesdames,
Une proposition à penser à ce que provoque cette phrase, en écriture, en photo, en dessin, en vidéo, en enregistrement vocal, en danse, en poterie, en musique... en ce que vous voulez, en ce qui vous chante.
Vous pouvez choisir de signer (l'occasion de s'inventer un nom de scène !), ou de rester anonyme.
Précisez-le quoi.

lundi 30 mars 2020

Les cheveux rouges

Je suis en 4e et surtout c'est l'époque d'Hartley Coeur à vif. Le sitcom qui berçait le retour du collège. Dans la série, il y a une des actrices qui a une bande rouge de cheveux au niveau de la pointe. C'est tellement rebelle d'avoir les cheveux rouges et encore plus d'avoir juste une bande. C'est ce qu'il me faut dans ce contexte de collégienne en rupture avec les moutons de sa classe. La question est de savoir comment je vais m'y prendre pour arriver à mes fins... Ma mère n'est pas du genre à accepter ce genre de facéties. Elle est plutôt balayage et tailleur pantalon, sans artifice. Et comme se percer les oreilles c'est une mutilation du corps, et bien il n'y pas non plus pas l'ombre d'une boucle d'oreille à l'horizon. Bref, le challenge va être ardu. Pas impossible. Il faut juste que je trouve la brèche. Cependant, il est assez facile de deviner la faille d'une personne ayant des problématiques d'alcoolo-dépendance. Ça donne des points d'avance sur son fonctionnement.

Ça y est je sais ! J'ai juste à attendre qu'elle se mette la race et ensuite à lui faire signer une autorisation de peinturlurage de cheveux. Sur une de ses ordonnances. C'est absolument machiavélique mais dans un état autoritaire comme celui dans lequel je vis, tous les moyens sont permis pour contourner la dictatrice et se réapproprier un peu de ses envies !

La soirée commence avec une bouteille de Kriter, brut, of course. Des clopes, des fines 120 menthol pour l'effet brouillard fraîcheur. Nous sommes en face à face. J'entame le cycle de négociation avec la partie adverse. Le marteau du juge retentit sur la table : "il n'en est pas question !". Madame la juge propose un balayage en échange. Laissez-moi rire ! Une deuxième bouteille de Kriter tombe. Le brouillard s'intensifie... Les yeux s’amenuisent et se plissent. C'est le moment de l'offensive. J'ai déjà écrit le "mot". Y'a plus qu'à signer... Simple, non ? Je dégaine l'instrument, me place parallèle à la juge, lui glisse l'objet dans sa main droite et hop elle signe ! La 5e colonne a repris ses droits !!!

Le lendemain, rendez-vous chez le coiffeur (une adresse qu'on se refile dans le milieu). Ma mère me dépose sans rien dire. Elle ne souvient de rien. Dommage pour elle. J'y suis ! Je suis la tête dans le bac à cheveux et je vais avoir les cheveux rouges !!! youpitralala ! Le résultat n'a pas le même rendu que sur la super belle meuf de la série, oups. Je m'en tape ! J'ai les cheveux rouges !!! Ma mère vient me chercher. Surprise ! Elle n'a pas le temps de dire quoi que ce soit. J'ai blindé ma plaidoirie. Je lui sors l'attestation qu'elle a signé. On rentre et elle m'autorise une semaine de cheveux rouges. La prof de maths, ça lui plaît pas. Elle menace de me virer de cours. Je tiens. Je vais même empaqueter les courses des gens à l'intermarché du coin pour récolter des sous pour le voyage en Espagne avec mes cheveux rouges. Mais au bout d'une semaine, Margaret Thatcher revient à la charge. Le rendez-vous est pris chez le capilliculteur. Je suis au pied du mur. Je sens que la monarchie va gagner. Je m'en fous j'ai eu les cheveux rouges !

lundi 2 mars 2020

Souvenir lointain, j'avais une vingtaine d'années. Mes pieds trépignaient d'impatience de découvrir le monde. Je vais à une conférence d'un écrivain voyageur qui a marché jusqu'en chine en suivant la route de la soie. A la fin, enthousiasmée à l'idée de faire comme lui, c'est à dire tout quitter et partir voyager à pied, je vais le voir avec cette envie folle de lui exprimer mon désir de partir moi aussi. Il m'a répondu froidement: "bah y va peut-être falloir bosser avant de partir. Faut que t'attende l'âge de la retraite pour ça..."
Alors j'ai tourné les talons, déçue du pragmatisme avec laquelle il me répondait. Je m'en fiche, j'irai quand même, n'importe où, où le vent m'emportera et contre vents et marais, je voyagerai, je quitterai le petit cocon bien confortable mais qui me paraissait si ennuyeux du boulot-métro-dodo, enfin, en tout cas pour moi, sans vouloir dénigrer les gens qui ont un travail stable, passionnant ou moins passionnant. En tout cas, pour moi, c'était impensable à ce moment là de m'enfermer dans une vie sédentaire, j'étais déjà convaincue à ce moment là que l'Homme est fondamentalement nomade et que la sédentarité l'a aliéné et l'amène à sa perte. Pessimisme assumé...
En tout cas, à cette époque là, il était hors de question de m'installer, rencontrer quelqu'un, avoir un boulot fixe, un chien, une machine à laver, un fer à repasser, un train-train quotidien lassant et tout sauf vivant. Alors j'ai inversé le cours des  choses. Je trouvais ça idiot d'attendre l'âge de la retraite pour profiter de la vie et de faire ce que bon me semble. A l'aube de mes 39 ans, maintenant que ma retraite touche à sa fin, après avoir accumulé un nombre incalculable d'expériences de vie, d'amour, après avoir voyagé et découvert le monde pendant tant d'années, je commence à me mettre au boulot ! sans regret...

Lili