Mesdames,
Une proposition à penser à ce que provoque cette phrase, en écriture, en photo, en dessin, en vidéo, en enregistrement vocal, en danse, en poterie, en musique... en ce que vous voulez, en ce qui vous chante.
Vous pouvez choisir de signer (l'occasion de s'inventer un nom de scène !), ou de rester anonyme.
Précisez-le quoi.

mardi 19 novembre 2019

Extrait d'une lettre du 17.02.2011 - C'était Haïti

[…] Voila je viens de laisser Haïti pour la Guyane... et je pensais tout à l'heure dans l'air tout écoutant Air (ce qui vous l'accorderez est quand même très drôle) à ce que M. me disait hier soir : que quand on visite un pays pour la première fois on peut écrire un bouquin, la 2e, un article et après c'est la page blanche ! (bon c'est A. qui l'avait soufflé à M. !)

Et bon quand même sur ce coup la A. il avait pas tort, le diable ! Oui c'est ça je crois plus tu connais un pays et plus tu t’aperçois de tout ce que tu ne connais pas et ce d'ailleurs que tu ne connaîtras jamais ! (bon ce séjour m'a quand même permis d'apprendre notamment l'haïtiannerie des sacs plastiques qui font peur aux mouches !)

Mais alors que dire pour ne pas rester sans rien vous dire ! Ben Haïti m'est encore apparue tout a fait paradoxale !
Oui c'est ça le paradoxe profond de mélanger dans un même élan souvent insaisissable d'ailleurs : le Beau et l'Horreur, le Grand Espoir et le Grand Désespoir, le vaudou et les courants chrétiens (et leurs dérives), la religion et la débauche, les bandits et les gens honnêtes, les brillants intellectuels et les plus cruels dictateurs !
Bref tout se mélange comme ça dans un tourbillon à la fois révoltant, émouvant et passionnant...
Mais ce qui est bien dans les antonymies c'est que l'on peut toujours se raccrocher à la Lumière, au Beau et à l'Espoir et tenter d'oublier le reste, sinon on deviendrait certainement fou !

Alors j'essaye d'oublier les 300 000 âmes qui planent sur la ville de Port au Prince, les fatras, les tas de gravats, la puanteur, les camps, l'OIM (!), les blancs qui sont énervants, la poussière, les mensonges, la malhonnêteté, l'ignorance, la dénutrition, ce journaliste tué en pleine rue la semaine dernière, Sweet Micky qui commence à faire sa campagne, le retour au pays de l'ancien dictateur...

Et puis je repense, en voulant garder ça en mémoire, aux amis, aux collègues partenaires motivés et vaillants, aux sourires, aux couleurs, aux fruits, aux peintures, aux fers découpés, à la musique, à Dany Laferrière et Raoul Peck, aux taps-taps, à Jacmel, à la mer, aux écrevisses, aux projets qui avancent dans le bon sens, au soleil...

Oui je repense à tout ça !

Gaëlle Fayan