[…] Voila je viens de laisser Haïti pour la Guyane... et je pensais
tout à l'heure dans l'air tout écoutant Air (ce qui vous
l'accorderez est quand même très drôle) à ce que M. me disait
hier soir : que quand on visite un pays pour la première fois on peut
écrire un bouquin, la 2e, un article et après c'est la page
blanche ! (bon c'est A. qui l'avait soufflé à M. !)
Et bon quand même sur
ce coup la A. il avait pas tort, le diable ! Oui c'est ça je crois
plus tu connais un pays et plus tu t’aperçois de tout ce que tu ne
connais pas et ce d'ailleurs que tu ne connaîtras jamais ! (bon ce
séjour m'a quand même permis d'apprendre notamment l'haïtiannerie
des sacs plastiques qui font peur aux mouches !)
Mais alors que dire
pour ne pas rester sans rien vous dire ! Ben Haïti m'est encore
apparue tout a fait paradoxale !
Oui c'est ça le
paradoxe profond de mélanger dans un même élan souvent
insaisissable d'ailleurs : le Beau et l'Horreur, le Grand Espoir et le
Grand Désespoir, le vaudou et les courants chrétiens (et leurs
dérives), la religion et la débauche, les bandits et les gens
honnêtes, les brillants intellectuels et les plus cruels dictateurs !
Bref tout se mélange
comme ça dans un tourbillon à la fois révoltant, émouvant et
passionnant...
Mais ce qui est bien
dans les antonymies c'est que l'on peut toujours se raccrocher à la
Lumière, au Beau et à l'Espoir et tenter d'oublier le reste, sinon
on deviendrait certainement fou !
Alors j'essaye
d'oublier les 300 000 âmes qui planent sur la ville de Port au
Prince, les fatras, les tas de gravats, la puanteur, les camps, l'OIM
(!), les blancs qui sont énervants, la poussière, les mensonges, la
malhonnêteté, l'ignorance, la dénutrition, ce journaliste tué en
pleine rue la semaine dernière, Sweet Micky qui commence à faire sa
campagne, le retour au pays de l'ancien dictateur...
Et puis je repense, en
voulant garder ça en mémoire, aux amis, aux collègues partenaires
motivés et vaillants, aux sourires, aux couleurs, aux fruits, aux
peintures, aux fers découpés, à la musique, à Dany Laferrière et
Raoul Peck, aux taps-taps, à Jacmel, à la mer, aux écrevisses, aux
projets qui avancent dans le bon sens, au soleil...
Oui je repense à tout ça !
Gaëlle Fayan