Mesdames,
Une proposition à penser à ce que provoque cette phrase, en écriture, en photo, en dessin, en vidéo, en enregistrement vocal, en danse, en poterie, en musique... en ce que vous voulez, en ce qui vous chante.
Vous pouvez choisir de signer (l'occasion de s'inventer un nom de scène !), ou de rester anonyme.
Précisez-le quoi.

mardi 19 novembre 2019

Extrait d'une lettre du 02.07.2010 - Des nouvelles haïtiennes

Voilà, le retour en Haïti, depuis quelques jours. Celui que j'appréhendais quand même un peu ! Revivre ce si terrible 12 janvier, quand durant quelques secondes tout a valsé, tout s'est dérobé, la terre s'est éventrée, tout cela si violemment.

Moi j'étais là-bas, kaye Riviera. Et cette image, celle de moi seule au milieu de la cour, devant la maison de B., quand les murs s'écroulaient autour, m'a longtemps hanté. Elle me faisait penser à celle d'Adrien Brody dans « Le Pianiste », dans cette Varsovie ravagée par la Guerre. Ce 12 janvier, à Port au Prince, pas de guerre déclarée et pourtant : la destruction, les morts par centaine de milliers, l'abattement voire l'égarement des survivants, la fuite, le rapatriement...

Alors évidemment cet agacement géologique, cette déflagration terrestre n'a fait que révéler un peu plus insupportablement les dégradations historiques, politiques, économiques, sociales et environnementales de ce pays et des conjonctures extérieures qui pèsent sur lui. Rien ne tenait déjà vraiment debout ici, tout était vacillant et à la fois si charmant voire envoûtant... Haïti, m'est souvent apparue insaisissable, indicible... Aujourd'hui bien plus encore forcément ! Cette ville n'en n'est plus vraiment une (si tant est qu'elle l'était avant !) : des gravats, des tentes, des camps partout....

Et puis au milieu de ce chaos, ils sont là, les haïtiens, ils tiennent debout, comme ils disent, vaillants, s’affairant toute la journée : les p'tes marchandes, les écoliers, les p'tis business...

Au milieu aussi, le monde entier, ils sont tous là : ONG, « experts », institutions internationales, tout le merdier. On parle de 13 000 « experts » qui seraient passés dans le pays depuis la catastrophe et de plus de 1000 ONG présentes, dont bien évidemment la grande majorité n'avait jamais foutu les pieds avant dans le pays ! Bref quel délire, quelle dérive d'un système 'd'urgence-développement' qui se mord la queue et arrive à faire ce qu'il souhaitait combattre au début (Illinch décrit très bien ce phénomène de contre-productivité dans d'autres secteurs comme l'éducation, les transports, la santé... ). Et puis les évangélistes à la con, vous en parle même pas. Bref c'est la merde !

Mais ce que je retiens pour l'instant et malgré tout, après quelques jours de ce retour, c'est qu'il existe de vraies et profondes forces ici, celles d'organisations et de partenaires locaux, miroir d'une société civile dévouée à la Reconstruction de ce pays.

Ce je retiens aussi et surtout vraiment, au milieu de cet indicible chaos, qui donne paradoxalement le besoin insaisissable de dire, c'est les sourires et les rires même parfois, la musique (hier RAM a rejoué pour la première fois !). Que oui finalement, la Vie a repris malgré tout et c'est déjà si beau... Puis y'a des Prestiges (bière locale) alors on va pas se plaindre !


Gaëlle Fayan