Voilà, le retour en Haïti, depuis quelques jours. Celui que
j'appréhendais quand même un peu ! Revivre ce si terrible 12
janvier, quand durant quelques secondes tout a valsé, tout s'est
dérobé, la terre s'est éventrée, tout cela si violemment.
Moi j'étais là-bas,
kaye Riviera. Et cette image, celle de moi seule au milieu de la
cour, devant la maison de B., quand les murs s'écroulaient autour,
m'a longtemps hanté. Elle me faisait penser à celle d'Adrien Brody
dans « Le Pianiste », dans cette Varsovie ravagée
par la Guerre. Ce 12 janvier, à Port au Prince, pas de guerre
déclarée et pourtant : la destruction, les morts par centaine de
milliers, l'abattement voire l'égarement des survivants, la fuite,
le rapatriement...
Alors évidemment cet
agacement géologique, cette déflagration terrestre n'a fait que
révéler un peu plus insupportablement les dégradations
historiques, politiques, économiques, sociales et environnementales
de ce pays et des conjonctures extérieures qui pèsent sur lui. Rien
ne tenait déjà vraiment debout ici, tout était vacillant et à la
fois si charmant voire envoûtant... Haïti, m'est souvent apparue
insaisissable, indicible... Aujourd'hui bien plus encore forcément !
Cette ville n'en n'est plus vraiment une (si tant est qu'elle l'était
avant !) : des gravats, des tentes, des camps partout....
Et puis au milieu de ce
chaos, ils sont là, les haïtiens, ils tiennent debout, comme ils
disent, vaillants, s’affairant toute la journée : les p'tes
marchandes, les écoliers, les p'tis business...
Au milieu aussi, le
monde entier, ils sont tous là : ONG, « experts »,
institutions internationales, tout le merdier. On parle de 13 000
« experts » qui seraient passés dans le pays depuis la
catastrophe et de plus de 1000 ONG présentes, dont bien évidemment
la grande majorité n'avait jamais foutu les pieds avant dans le
pays ! Bref quel délire, quelle dérive d'un système
'd'urgence-développement' qui se mord la queue et arrive à faire ce
qu'il souhaitait combattre au début (Illinch décrit très bien ce
phénomène de contre-productivité dans d'autres secteurs comme
l'éducation, les transports, la santé... ). Et puis les évangélistes
à la con, vous en parle même pas. Bref c'est la merde !
Mais ce que je retiens
pour l'instant et malgré tout, après quelques jours de ce retour,
c'est qu'il existe de vraies et profondes forces ici, celles
d'organisations et de partenaires locaux, miroir d'une société
civile dévouée à la Reconstruction de ce pays.
Ce je retiens aussi et
surtout vraiment, au milieu de cet indicible chaos, qui donne
paradoxalement le besoin insaisissable de dire, c'est les sourires et
les rires même parfois, la musique (hier RAM a rejoué pour la
première fois !). Que oui finalement, la Vie a repris malgré tout et
c'est déjà si beau... Puis y'a des Prestiges (bière locale) alors
on va pas se plaindre !
Gaëlle
Fayan